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 Dream Brother...

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Aurélie

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MessageSujet: Dream Brother...   Dream Brother... Icon_minitime4/2/2008, 18:03

Voici quelques petits extraits de ce roman... Précision utile : celui que l'on désigne par "il" c'est le héros, Andrew. Voilà ! je sais pas si c'est les meilleurs extraits, on verra bien, mais en attendant, enjoy !

extrait n°1 :

Il aime le rock sous toutes ses formes : les Beatles, Nirvana, Jeff Buckley, Metallica, Soudgarden, Hendrix, Black Sabbath, les Clash, REM, les Pixies, Radiohead, les Red Hot, Rage against the Machine, Marilyn Manson, et encore tant de groupes… tellement de groupes qu’il ne les recense jamais.
Il aime accrocher des posters de ses idoles sur les murs de sa chambre _ il en a un aussi de Woodstock _ et puis Eddie, le zombie mascotte de Iron Maiden. Il a beaucoup de disques, des vinyles, plus que des CD, parce qu’il préfère les vinyles, et son bien le plus précieux est sa guitare, cette chère et merveilleuse compagne, une Fender, évidemment.
Il adore chanter à tue-tête, jouer jusqu’au sang, et jumper et headbanger et pogoter. Il aime cette sensation de voler, l’épuisement et le délassement de ses membres, ses cheveux qui se rabattent dans son visage. Il est d’ailleurs très fier de ses cheveux, longs et soyeux, d’un blond platine tout à fait naturel.
Le matin devant le miroir de la salle de bain, il se prend pour Kurt Cobain, il chante du Leonard Cohen sous sa douche… Et aussi, il porte toujours ou presque le même T-shirt, celui des Sex Pistols, son préféré, et il rêve toutes les nuits de Katie Jane, la chanteuse de Daisy Chainsaw, il est sûrement amoureux. Sur ses cahiers de cours, il dessine dans les marges, et il écrit des chansons. Lui, il veut être une rockstar.
Il aime bien aussi faire des trucs stupides, comme cracher par terre et courir sous la pluie _ habitude de gamin que décidément il ne perdra jamais _ et il trouve ça drôle de regarder les émissions débiles à la télé, les talk-show à la Jerry Springer _ c’est débile et c’est ça qui le fait rire _ , et faire l’idiot sur un skate, parce que ça épate la galerie et parce que c’est vraiment cool, comme le surf _ mais ça, il ne le sait pas, il n’a jamais vu les vagues de la côte ouest… il suppose _ , et ne pas faire ses devoirs ni ranger sa chambre, et flemmarder tout le week-end _ ce qui a le don de donner d’incompréhensibles crises de nerf à sa mère sans qu’il n’en voit la raison.
Ca lui plait aussi de regarder les nuages et les étoiles, allongé dans la prairie de son South Dakota natal, de dormir en caleçon, de conduire les voitures, de rencontrer des gens nouveaux, de manger du pop-corn dans les salles de cinéma et de faire des châteaux de sable.
Et puis, il aime les spaghettis bolognaises et les milk-shakes au chocolat et les cookies à Noël, son chien Sparky _ un autre grand amateur de cookies _ mort il y a trois ans et tous les chiens en général, les photos en noir et blanc et l’été ondoyant et étouffant et Martin Luther King, Apocalypse Now et Full Metal Jacket et son oncle John, mort à 19 ans, au Vietnam…



extrait n°2 :

[i]Les Baker sont des gens assez ouverts d’esprit. Plus que ses parents à lui, en tout cas. La chambre de Floyd n’est d’ailleurs pas mal du tout. C’est le garage. Un ancien garage. Mais pas aussi glacial qu’un garage en hiver _ c’est chauffé, d’après Floyd _ , et pas une étuve en été _ ça, il peut le constater par lui-même aujourd’hui. Cette chambre est donc un garage reconverti, tapissé de posters de groupes de rock _ et aussi Bob Marley et Madness _ et la lumière n’est diffusée que par une ampoule nue. Le portail est ouvert en grand les jours de beau temps _ comme aujourd’hui. Contre un mur, il y a le lit de Floyd, un futon en fait, qui sert de canapé. Par terre, pour masquer le sol en ciment, plusieurs tapis. Floyd a aussi une télévision, posé sur une caisse retournée, une chaîne Hi-Fi à côté de piles de disques _ vinyles et laser _ et de cassettes audio. Les cassettes vidéo sont sur une étagère, rangées avec des bouquins diverses. Au milieu de la pièce, on trouve l’ampli, assez gros, Floyd avoue avoir casser sa tirelire pour l’acheter, pour « faire sauter la baraque », la guitare est contre l’ampli, avec pédaliers, médiators, tablatures etc. Le skate chevauche le palier du portail, une roue dans l’allée, une autre dans le garage. Et puis, sinon, c’est bel et bien la piaule d’un mec, en bordel comme il se doit. Si, il a oublié le bol en terre cuite peinte rempli d’herbe, quelques sutras écrits sur des bandes de soie et un drapeau de Greenpeace. Et une chaise longue, dans l’allée du garage.
Slammer ramasse le skate, part en roue libre le long de l’allée. Olivesky s’est affalé dans le futon. Il se jette à côté d’Olivesky. Floyd a amené un énorme plat de biscuits et de cookies et des trucs bourrés de sucre, mais tous adorent ces mets délicats, d’ailleurs Olivesky et lui ne se font pas prier.
« Slammer, reviens par ici ! » gueule Floyd en se jetant entre Olivesky et lui.
Floyd tient la télécommande du magnétoscope dans sa main, l’image sur l’écran de la télévision est fixée sur le bal de printemps d’un lycée, dans les années cinquante. Ils regardent un film, qu’ils adorent tous, obligé, « Retour vers le futur ». Le héros surtout leur plait énormément, un jeune rocker skater, un peu comme eux, en fait _ c’est sûrement pour ça qu’ils le trouvent aussi génial, ce film.
Slammer descend du skate et se ramène. Plongeon sur le futon, ils sont serrés à quatre dessus comme des sardines dans leur boîte. Pas grave. Slammer prend une bonne poignée de gâteaux secs et les enfourne dans sa bouche. Lui grignote ses cookies, les yeux rivés sur l’écran. Deux scènes fondamentales dans ce premier volet de trilogie _ il y a Retour vers le futur, Retour vers le futur II, retour vers le futur III, mais c’est quant même le premier le mieux _ : La première scène est tout au début et tout à l’heure, lui et ses potes l’ont commentée en large, en long et en travers, il s’agit de ce magnifique ampli qui recouvre tout un mur, leur rêve à tous. Ils se sont repassés la scène au moins quatre ou cinq fois, le volume de la télévision à fond et il s’est imaginé à la place de Marty _ waoh, ça c’est du rock !
Floyd appuie sur le bouton lecture de la télécommande. Tous sont très attentifs. Voilà l’autre grand moment. Le père de Marty _ George _ a embrassé la mère _ Lauren _ , enfin, on est tous sauvés, ils se marieront. Marty est au chant et à la guitare sur scène, Floyd augmente le son encore, Marty commence à jouer… C’EST JOHNNY B GOODE ! Lui et Dragon Life chantent en chœur, « go Johnny go ! », et ils sont morts de rire, vraiment, ils adorent. Marty entame son impro, délire total, ils sont toute ouïe et applaudissent à la fin. Dans la salle de bal, les danseurs sont stupéfaits face à cette impro hard-rock. Alors Marty lance cette remarque devenue culte : vos enfants vont adorer. Floyd appuie sur le bouton stop puis rembobine, ils vont se le faire plusieurs fois, ce passage. Ils ne sont plus assis, maintenant, ils sont debout et vibrent au son de ce morceau de Chuck Berry _ ça serait difficile de faire autrement, la télévision gueule et c’est super, eux aussi gueulent. Slammer va prendre la guitare de Floyd pour se lancer dans une imitation, plutôt ratée, en play-back, ce qui déclenche des fous rires inextricables et inexplicables. La fin du morceau, l’impro, et enfin ils rugissent tous ensemble « vos enfants vont adorer ». Ca c’est clair, du moins dans leur cas.
Slammer n’en finit pas de s’éclater à jouer les Marty partis dans leur trips et danse dangereusement d’un bout à l’autre du garage, puis saute à pieds joints sur le futon, ce qui arrache des protestations à Floyd _ bah, oui, c’est son lit, après tout.
Lui recule un peu, tire sur le jack, Slammer tire de son côté.
« Eh, Slam, retourne à ta basse et laisse faire les pros ! il balance à Slammer.
_ Tu sais ce qu’elle te dit ma basse ? réplique Slammer en haussant les épaules.
_ Que tu baises ta mère, » répond du tac au tac Olivesky.
Slammer se trouve con, ils se regardent tous et partent d’un même rire. Ils ne sont ni bourrés ni camés, on pourrait penser que c’est inné.
« Ne va pas croire mon Polonais que tout le monde a tes pratiques. J’préfère les jeunes », dit Slammer en donnant la guitare à Floyd.
Joute verbale :
_ Les vieilles ont plus d’expérience, fait Olivesky
_ Ce qui comble le manque évident chez toi !
_ Et toi, alors… ta seule expérience c’est Playboy !
_ J’ai pas besoin de demander la permission à ma maman. »
Olivesky frappe Slammer qui lui envoie un coup dans le ventre, mais ni l’un ni l’autre n’ont mal, c’est juste pour s’amuser, tout ici est juste pour s’amuser, même les paroles. Olivesky et Slammer se calment, puis Slammer reprend son souffle.
« Hé, Andy, essaie, transforme-toi en Marty confirmé ! » le défie Slammer.
Lui sourit puis s’empare de la Gibson et « regardez bien et prenez-en de la graine », il joue Johnny B Goode. L’impro, il essaie de suivre la télévision, sans succès, il est complètement décalé et il déconne trop pour y arriver, il finit à genoux juste devant l’écran, tellement hilare qu’il ne peut pas jouer une seule note correctement.
« Ouais, ça c’est un Marty poivrot, ça ressemble plutôt à Elvis sur ses dernier jours ! ricane Slammer.
_ Avoue que si t’essayais de faire pareil t’y arriverais pas !
_ Pfff… bande d’amateurs ! » plaisante Floyd en récupérant sa guitare et en passant la sangle sur son épaule.
Au tour de Floyd. Des trois, c’est Floyd qui se débrouille le mieux. Floyd ne suit pas la télévision et agit selon sa propre fantaisie, guitare dans le dos, guitare par terre, pogo contre le mur, à genou, sur le skate, c’est marrant. Ils acclament Floyd de leur mieux, applaudissent, retranchés sur le futon _ Floyd est comme fou. Lui admire en sautillant sur le bord du futon.
« Tu sais que j’suis fier de t’avoir comme guitariste ! » il crie à Floyd.
Floyd ne répond pas, continue sa danse folle, monte sur l’ampli, virevolte… et finit par perdre l’équilibre _ ça devait arriver, pourtant aucun n’y aurait penser, on aurait dit que Floyd vole _ et Floyd s’écrase contre l’ampli, la guitare protégée par ses bras et lâche un « merde, mon ampli ! » Mais l’ampli va bien, il y a eu plus de peur que de mal.
« Crétin, c’est ça de faire le malin ! remarque Olivesky
_ Tu peux parler, toi, avec tes baguettes comme tu te la pètes, dans ta cave !
_ C’est juste pour tes beaux yeux, mon chou ! »
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Aurélie

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MessageSujet: Re: Dream Brother...   Dream Brother... Icon_minitime4/2/2008, 18:03

extrait n°3 :

Un chemin poussiéreux au milieu de nulle part. C’est l’impression qu’il a. Un long chemin qui naît de l’horizon et disparaît à l’horizon, à travers la Prairie désolée, inhospitalière, et pourtant, pour lui c’est son seul foyer. Les herbes fauves secouées et rabattues par le vent, un arbre décharné qui pointe les doigts de sa ramure vers le ciel, un ciel si immense et plombé, qui se teinte de violacé et là-bas, à l’est, des nuages noirs menaçants et silencieux qui s’avancent. Il va pleuvoir. L’air est tendu et les insectes se sont tus. Plus un oiseaux, plus une bestiole n’ose bouger. L’électricité est presque palpable. Le vent est plus violent et ses cheveux blonds claquent. Ceux de Kenneth aussi. Ils sont paumés au milieu de cette mer sauvage qui va bientôt se déchaîner et lui l’avoue, il aime ça, ça l’apaise et le remplit d’un sentiment de sérénité hors du commun. Bien sûr, il sait qu’ils vont se prendre la saucée, Kenneth aussi le sait, mais qu’importe. Leurs baskets tapent sur le sol durci et assoiffé. Au loin, il aperçoit une vieille grange abandonnée, une masse sombre et trapue posée sur la plaine, élément solitaire et insolite. Il la montre à Kenneth, Kenneth hoche la tête. Ils ne sont pas pressés, ouais, ils l’atteindront avant que la pluie ne les atteigne.
Il regarde Kenneth qui marche un peu plus vite que lui. Kenneth marche avec allure, il s’en rend compte pour la première fois. Droit, mais une démarche nonchalante et assurée, les pans d’une chemise en laine à carreaux nouée autour de la taille qui lui battent les cuisses, les longs cheveux noirs et rebelles, attachés dans le dos sous la nuque, le regard fier sur la ligne du ciel et de la terre… Un cow-boy, manque plus que les flingues et le chapeau. Il le dit à Kenneth, mais Kenneth s’en fiche et hausse les épaules. Lui le rattrape et marche à sa hauteur. Kenneth n’est pas très bavard aujourd’hui, mais ça tombe bien, lui non plus. Les nuages sont à présent au-dessus d’eux et il lève la tête pour les regarder, il les voit cotonneux, un coton qu’on a imbibé d’encre, lourds et gorgés d’eau. Puis les nuages emplissent et cachent le moindre coin de bleu. Toute la Prairie frémit et semble attendre que l’orage éclate. Mais l’orage se délecte de cette attente. Les nuages sombres emprisonnent la terre et ses habitants, un drap noir qu’on a jeté dessus.
Une goutte s’écrase dans la poussière. Circulaire, elle tombe avec rapidité, puis sur le sol s’étale en étoile. Le sol ne l’absorbe pas tout de suite, le sol est trop heureux pour y croire, puis finalement, le sol boit avidement la goutte d’eau. Mais cette goutte ne vient pas seule. D’autres, suivent et viennent abreuver le chemin. La cadence s’accélère, ils se sont trompés, la vieille grange esseulée est encore loin.
« On va couper par la Pairie », suggère Kenneth et ils quittent le chemin, beaucoup trop long à leur goût.
Couper à travers les herbes folles des pâturages n’est pas aussi aisé que ça en a l’air. La Prairie est en légère pente douce, sur laquelle poussent toutes sortes de plantes sauvages et des cailloux qui roulent sous les semelles. Dans la corolle des fleurs, l’eau s’amasse et les tiges plient sous le poids, puis l’eau coule le long des pétales, puis retourne à la terre, pour ces fleurs, c’est un don salvateur du ciel. Plus loin, une araignée s’affole, sa toile ne résiste pas à l’assaut de la pluie. Un mulot trottine, effrayé, jusqu’à son terrier et les insectes prudents s’abritent sous les feuilles. La Prairie recèle d’une vie insoupçonnée en dehors des vaches et des rares troupeaux de bisons. Un coup de tonnerre pétrifie tout et lui-même, plongé dans ses pensées, sursaute. Kenneth éclate de rire en voyant sa réaction et lui balance un « t’as peur de l’orage, maintenant ? » auquel il répond par un grognement. La pluie ruisselle sur leur visage, ils doivent marcher de plus en plus vite. Un éclair déchire le ciel, étend ses branches jusque sur la terre, comme si l’orage voulait relier les deux. Le tonnerre retentit encore une fois, comme un coup de canon si assourdissant et si proche. Ils se dépêchent, rester en terrain découvert devient dangereux. Si la foudre tombait sur eux, ils sont une cible potentielle.
Devant eux, la grange se rapproche et ils distinguent les battants de la porte, grands ouverts et gris, délavés par la neige, le soleil et les orages. Ils parcourent presque en courant les derniers mètres qui les séparent de cet abri. Les planches de la porte sont vermoulues et la grange tombe en ruine, mais l’intérieur a l’air sec. Ils entrent, les orties ont conquis les coins, un hiboux les poutres du toit et un raton laveur les observe d’un œil dans un seau rouillé. L’odeur de la paille qui moisit les assaille, mais au fond ce n’est pas aussi désagréable et on s’habitue. Lui se dirige vers une échelle branlante. Il la secoue, teste la résistance des barreaux. Pas très solide, mais au pire il y a ce tas de foin délaissé, en bas, qui forme un matelas assez conséquent. Il escalade l’échelle, Kenneth le rejoint. En haut, la paille est éparse, ils en rassemblent un peu, la plus sèche et en meilleur état et s’installent dessus. La vieille grange tremble et gémit, mais elle résiste bien à la brutalité du vent. Un peu plus loin, une poulie tâchée de rouille est suspendue au-dessus d’une fenêtre grande ouverte par où la pluie entre _ mais la pluie ne les atteint pas d’où ils sont.
Dehors, un éclair impressionnant s’abat sur un arbre desséché, la foudre. L’arbre s’enflamme et ressemble à une torche qui illumine l’après-midi grise. Mais la pluie finit par l’éteindre, il ne reste plus qu’un tronc calciné et des volutes de fumée. Lui ne lâche pas des yeux l’arbre brûlé, il remarque les ruisselets de la pluie qui glisse sur les cicatrices noires et luisantes, chaudes et palpitantes encore. Puis il se détache de ce tableau et se retourne vers Kenneth. Kenneth est trempé et lui aussi.
« La pluie nous a rattrapé », il murmure dans un sourire.
Kenneth acquiesce et sort de sa poche un petit livre, avec le tampon de la bibliothèque sur la première page.
« Tu vas à la bibliothèque ? il demande.
_ Ouais », répond Kenneth en examinant son livre.
Le livre est un livre de poésie, un livre de poche un peu corné. Mais la pluie ne l’a pas abîmé, le livre était bien protégé au fond de la poche de Kenneth.
« T’aimes la poésie ? il interroge encore.
_ Ouais, c’est pas mal, souffle Kenneth. J’en lis des fois à Jaimie, pour qu’il s’endorme le soir. Et les autres viennent et écoutent eux aussi. »
Un sourire fugace sur les lèvres de Kenneth. Lumière étincelante dans l’obscurité de la vie sur la réserve. Les yeux de Kenneth s’animent, Kenneth tient absolument à lui lire un passage de son livre.
« si tu te promenais en carrosse/ et que je portais un chapeau de paysan/ et que nous nous rencontrions sur une route/ tu descendrais et tu me saluerais.
« si tu portais une ombrelle de colporteur/ et que je montais à cheval/ et que nous rencontrions sur une route/ je descendrais pour toi.
« je veux être ton ami/ pour toujours, sans rupture ni déclin/ que les collines s’aplanissent/ ou que les rivières s’assèchent,
« qu’il y ait des éclairs et qu’il tonne en hiver/ qu’il pleuve et qu’il neige en été/ que le ciel et la terre se mélangent/ même alors je ne me séparerai pas de toi.
« C’est joli, hein ? C’est un poème chinois.»
Assurément, c’est joli, et Kenneth sait bien lire avec le ton qu’il faut. Ils se sourient.
« Si tout le monde lisait de la poésie, peut-être qu’il y aurait moins de guerre et de malheurs, dit doucement Kenneth.
_ peut-être » il répète.
La pluie est moins forte et plus régulière. Il risque un œil dehors. Un coin de ciel bleu apparaît. Kenneth ferme son livre de poésie et tous deux se taisent.


extrait n°4 :

Le barman lui tend sa bière pression, une grande chope avec de la mousse qui déborde, comme il aime. Il donne au barman les quelques pièces qu’il a, il lui en reste encore pas mal, mais peut-être que tout sera gaspillé quand il partira. Il en a déjà gaspillé beaucoup ce soir. Le barman ramasse l’argent, le barman s’en fiche un peu. L’important est qu’il puisse décoller d’ici à la fermeture.
Il avale la moitié du verre, le repose sur le comptoir. Il n’y a pas beaucoup de monde, ce soir, les habitués, c’est tout. Lui est un habitué. La plupart sont attablés devant leur verre. Tous en sont à ce point là, le regard vide et brillant, des embryons de conversation embourbés dans des balbutiements inarticulés, la chaleur qui colle à la peau, les yeux rougis par la fumée des cigarettes. Il ne sait pas pourquoi il est là. Il ne sait pas pourquoi il se complait dans un tel état de dépravation et de délabrement. C’est juste comme ça. Il fini sa bière, appelle encore le barman. Cette fois c’est Max, ce charmant vieux Max qui vient le servir.
« ‘lut, Max, il dit en levant mollement la main. Suis à sec. »
Il agite lentement son verre sous le nez de Max. Max lève les yeux au ciel, plante son regard dans le sien. Le visage de Max n’est pas très net.
« Andrew, tu ne crois pas que tu as déjà assez bu ? » questionne Max.
V’là le Max qui joue les moralisateurs ! On aura tout vu.
« Tu veux kej’te dise, Max ? » il murmure en se penchant par-dessus le bar dans l’oreille de Max. Si ça te gênais vraiment, tu tiendrais pas ce genre de commerce. »
Il se laisse retomber en arrière sur son tabouret d’un air entendu. Max a un mouvement de recul.
« Tu empestes, gamin. Si jeune et déjà… »
Max secoue la tête avec résignation. Ouais, p’tit Welk, t’es foutu, complètement. On ne peut plus rien pour toi. Il se marre. Stupide. Il est stupide. Rien qu’un stupide poivrot. C’est pitoyable, il est bourré et il sait qu’il est pitoyable.
« T’en as déjà bu combien ? » veut savoir Max.
Il lève une main, les doigts tendus, et commence à compter sur ses doigts en hoquetant.
« ‘tend. Euh… Une (un doigt replié ) deuuux (deux doigts repliés ) trois, il articule en pliant le majeur. Puis euh… quatre et ciinq et… Plus assez de doigts. Ch’sais pas. Ch’sais plus. Plus du tout. »
Max hésite à le resservir. Il tire son tas de piécettes de sa poche, les fais glisser sur le comptoir en direction de Max.
« Combien qu’y en a, d’dans ? De bière. Y en a pour combien ? » il demande.
Max compte les pièces. Six bières au grand maximum.
« Donne-les moi, alors. Toutes ensemble. Ca m’épargnera foutu sermons servent à rien… »
Le reste de la phrase se perd en chuchotements. Max prend le verre vide, le remplit, puis fait pareil avec cinq autres. Avant d’aller s’occuper d’un gars qui poirote de l’autre côté, Max lui demande un dernier truc, s’il va bien. Ouais, no problem no suicide. Tant qu’il peux ingurgiter encore le précieux liquide. Le grand remède. Max le laisse à ses élucubrations d’alcoolique. Lui hausse les épaules, engloutit un verre complet, cul sec. Un sourire. Il regarde dans le miroir en face de lui, de l’autre côté du bar. C’est comme si la salle se trouvait là-bas, derrière les alignements de bouteilles multicolores. Dans un coin du miroir, il voit un homme affalé sur une chaise, contre un mur. L’homme doit avoir dans les quarante-cinq ans, les cheveux grisâtres, pelliculeux et gras, filasses. Des rides sont creusés sur le visage tremblotant, les yeux vitreux, l’alcool qui dégouline sur le menton, les mains agitées de soubresauts, la chemise tachée, les godasses boueuses, une légère bedaine au-dessus de la ceinture, mais des membres maigres et longs et blafards. Le mec n’a pas l’air de savoir où il est, le mec parle tout seul, la figure ravagée, les ongles crasseux. Lui détourne le regard. Il se voit lui-même à présent dans le miroir. Un grand échalas au visage encore juvénile derrière sa barbe de quelques jours, des cheveux longs et emmêlés qui lui tombent devant les yeux. Ses yeux exorbités, hallucinés pour être exact, des yeux humides, verts et immenses. Deux yeux fatigués, intrigués, qui le fixent, lui et ses bières. Il a un peu de mousse sur la moustache, la lèvre légèrement tremblante, les traits tirés. Il s’observe. C’est étrange. Il a l’impression de se découvrir pour la première fois. C’est donc lui, ce jeune type blond dans la glace. Enchanté, Andrew. Il avale la moitié d’une autre bière. Son image fait de même. L’image n’a pas beaucoup d’équilibre sur son tabouret. L’image à l’air d’être paumée. Lui et lui-même finissent ce verre, puis passent à un autre et encore à un autre. L’envie de pisser le prend, mais pas question de bouger temps que les bières sont là. Le brouhaha du bar est confus, une énorme vague de bruit indistinct. Il absorbe encore un verre complet. Il ne sent plus vraiment le goût que ça a, mais ça fait du bien quand même. Il est songeur. Il pense. A beaucoup de choses, grand-mère, Sparky, du sang, les oiseaux, et même un truc dont il ne se souvenait plus, un mec en primaire qui lui avait envoyé un poing dans le ventre. Et des nouilles. Il a faim. Cette bière sans goût lui donne envie de manger des nouilles _ et de pisser. Il boit en vitesse le dernier verre, se lève et se dirige en titubant vers les toilettes, « c’est au fond à gauche, c’est écrit dessus ». Problème de coordination des jambes, mais il atteint la porte dans un brouillard flou et l’ouvre et se soulage en se concentrant pour bien viser le trou _ c’est dégueulasse après. Puis il se lave les mains, remarque plus ou moins un graffiti à droite du lavabo, n’arrive pas à lire _ ça ne reste pas en place _ puis retourne au comptoir. Là, ses verres sont vides, il le constate avec désespoir, ses poches aussi sont vides. Catastrophe. Consternation. Il se sent démuni et stupéfait. Et abandonné. Il gémit, glapit le nom de Max en s’appuyant sur le bar.
« Max, j’veux une bière… Max ! Je… je joues si t’as une guitare, et tu m’donnes une bière, Max, t’es d’accord ? Hein ? »
Max ne fait plus trop de scrupules et lui montre la guitare près du micro, sur le bout de scène. L’autre barman lui apporte un nouveau verre, ça le rassure et il monte sur la scène avec son verre, prend la guitare sèche, s’installe sur le tabouret, boit un coup, règle le micro et plaque quelques accords. Tout le monde s’en fout de lui et de sa musique. Il s’en fiche aussi. Il commence à chanter, il doit chanter faux, sa voix est éraillée et il n’arrive pas à articuler correctement. Il sent l’odeur des nouilles. L’odeur du sang aussi. Son pied bute dans le verre de bière qui se renverse. Il fixe le verre. Ses yeux s’emplissent de larmes. Il arrête de jouer, cache son visage dans ses mains et sanglote. La salle est trop bruyante. Il pleure en murmurant, bavant et reniflant comme un vieil ivrogne. Son corps prostré est secoué de tremblement et les larmes et la morve se mêlent dans ses paumes.

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Louve

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MessageSujet: Re: Dream Brother...   Dream Brother... Icon_minitime4/2/2008, 18:48

Voilà qui me rappelle quelque chose Wink

C'est fort, il y a que 4 malheureux passages, et je replonge direct dedans, faudra absolument que je le relise. Pourtant j'aurais pas cru que ce serait mon genre de litterature au premier abord.
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MessageSujet: Re: Dream Brother...   Dream Brother... Icon_minitime

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